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75e du CST - récits

CSE - CST 1946 - 2021

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Le grand déménagement

Le matin du jeudi 16 octobre 2014, le bon vieux campus des Buttes de la Confédération (CBC) bourdonnait d’activités. Les employés du CST s’affairaient à remplir, sceller et étiqueter des caisses noires à leur poste de travail. Des dossiers aux souliers, des plumes aux figurines préférées, tout devait être pris en considération. C’était le jour du déménagement.

L’excitation grandissante du relogement au 1929, chemin Ogilvie, l’immeuble à long terme (ILT), se faisait sentir depuis un bon moment. Il y avait plus d’un an que le CST se préparait pour le grand jour. Aussi, quitter le CBC avait son lot de défis. Les couloirs exigus ont rendu difficile le déplacement d’une grande quantité de matériel et d’équipement. Une petite armée d’étudiants a dû être embauchée pour numériser des décennies de documents papier, et le personnel a trouvé des choses surprenantes derrière les meubles qui n’avaient pas bougé depuis des années.

Parmi les « trésors cachés » découverts par les coordonnateurs de déménagement, on a trouvé des chèques de paie datant des années 80, un drapeau canadien dissimulé derrière une tuile du plafond, une montagne de fournitures de bureau qui avaient été mises de côté, quelques souris rebelles et un classeur Dasco rempli de nourriture pourrie (il est possible que ces deux derniers éléments aient un lien).

Le CST était également déterminé à faire en sorte que le déménagement soit le plus respectueux de l’environnement que possible. C’est dans cette optique que l’initiative du Centre de récupération a été mise sur pied. Ainsi, on a pu éviter le dépotoir le plus que possible. À la fin de la dernière vague de déménagement, le CST avait réussi à écarter 75 % des déchets résultant de cette relocalisation. Au total, 306 737 kilogrammes de matériel ont été réutilisés ou recyclés.

La sécurité des biens immobiliers et des employés du CST a été la priorité tout au long du déménagement. Une fois que les employés avaient scellé les deux boîtes de déménagement (et pas plus de deux!) qu’on leur avait fournies, un directeur inspectait chacune d’entre elles pour s’assurer qu’elle était bien scellée et bien étiquetée pour éviter les erreurs de livraison et le trafiquage. Tout juste avant que les camions de déménagement partent, on donnait à chacun un trajet en particulier et tout au long de la route, on maintenait une communication directe avec un coordonnateur de déménagement à l’aide de walkie-talkie.

Aucune boîte n’a été mal placée ou perdue durant le déménagement.

Somme toute, le déménagement a été un succès retentissant et les employés se sont rapidement installés dans leur nouvelle maison. À ce jour, nous poursuivons cette tradition d’accueil chaleureux en invitant les étudiants en stage et les nouveaux employés à participer à des séances d’information et des tours guidés dans cet endroit qui est parmi les meilleurs lieux de travail à Ottawa.

Histoires précédentes

Les nombreux domiciles du CST : édifice Sir-Leonard-Tilley (SLT) et les Buttes de la Confédération

Le présent récit est le cinquième d’une série d’articles à caractère historique qui portent sur les nombreux domiciles du CST. Les différents lieux où le CST a logé reflètent l’organisme lui-même : toujours de plus en plus grands, de plus en plus complexes, de plus en plus efficaces et avec ce caractère curieusement unique. Vous n’avez pas lu les autres articles? Vous les trouverez ci-dessous.

Le premier bâtiment conçu sur mesure pour la DTCNR était situé sur les Buttes de la Confédération, au beau milieu de terres agricoles sous-développées connues sous le nom de « Billings’ Bridge ».

L’édifice Sir-Leonard-Tilley, ou le SLT, intégrait des dispositifs de sécurité comme des détecteurs de mouvements, des alarmes ultrasons, un réseau téléphonique interne sécurisé, un centre de contrôle de la sécurité et des systèmes améliorés de contrôle des accès. Une entente particulière avait été prise avec la municipalité, en raison d’inquiétudes associées à la pollution, pour qu’un incinérateur industriel soit installé pour traiter les déchets classifiés. L’édifice était encerclé de barbelés et d’une clôture munie de capteurs permettant une surveillance et d’une fondation assez profonde pour prévenir la construction de tunnels.

Le SLT a accueilli ses occupants en juin 1961 et a bien servi le CST pendant 20 ans. L’intérieur a toutefois été fréquemment réaménagé, redistribué et mis au goût du jour. Les occupants de l’édifice, en nombre stable jusque dans les années 80 où le CST a connu une croissance de son effectif, et la technologie ont été les principaux agents de changement de ce bâtiment.

Les ordinateurs de bureau, qu’on ne trouvait au départ que dans les unités techniques, ont commencé à faire leur apparition dans les sections d’analyse et d’administration dans les années 70. Plus tard, des ailes complètes accueillaient de nouveaux ordinateurs centraux, des superordinateurs et des salles de serveurs. En parallèle, les normes COMSEC prenaient de la maturité et exigeaient que le CST puisse générer et produire des clés automatiquement.

En quête d’espace, l’organisme a commencé à annexer les propriétés avoisinantes à son installation : Le bâtiment des assurances (IB) de l’autre côté du chemin Heron, plusieurs étages de la tour Billings Bridge (BBT) et des entrepôts en dehors du campus. Le CST a également fait construire d’autres installations comme cette réception de forme octogonale à un étage devant la porte principale et finalement une aile complète connectée au sous-sol et au premier étage du SLT. Le nouveau bâtiment de 5 étages qui ne comportait pratiquement aucune fenêtre était recouvert de blindage électrique pour empêcher le rayonnement non désiré. On a ouvert l’aile « C » en 1992.

Même cet espace ne suffisait pas. À la fin des années 90, le CST possédait également l’administration centrale de la SRC qui siégeait sur une colline de l’autre côté du chemin de fer, à l’est du SLT. Après d’importantes rénovations, l’édifice a accueilli du personnel de l’organisme au début de l’année 2000. Les membres de la direction pouvaient profiter de bureaux et de salles de réunion au dernier étage de cet édifice. La majorité des étages étaient occupés par des bureaux et des laboratoires de TI ainsi que par les Services centraux.

Le bâtiment a été nommé d’après feu Edward-Drake, le premier directeur de l’organisme, dont la famille a assisté à la cérémonie d’inauguration.

Les nombreux domiciles du CST — 4e partie : l’Annexe Rideau

Le présent récit est le quatrième d’une série d’articles à caractère historique qui portent sur les nombreux domiciles du CST. Les différents lieux où le CST a logé reflètent l’organisme lui-même : toujours de plus en plus grands, de plus en plus complexes, de plus en plus efficaces et avec ce caractère curieusement unique. Vous n’avez pas lu les autres articles? Vous les trouverez ci-dessous.

En 1950, de ses quelques dizaines d’employés, la DTCNR avait atteint un effectif d’environ 200 personnes. Un ensemble de plus en plus grand de machines était également nécessaire pour réaliser la mission de la Direction.

Le CNR s’est donc vu obligé de louer un autre bâtiment. Celui-là appartenait aux Sœurs de la Charité de Montréal, qu’on appelait aussi les Sœurs grises, et se situait sur l’actuelle promenade Alta Vista. Construit en 1915, le bâtiment de quatre étages, situé à l’est de la ville, a initialement servi de noviciat pour être ensuite transformé en hôpital au début de la Seconde Guerre mondiale. Cette structure fonctionnelle de forme rectangulaire se tenait au milieu d’un champ, mais assez près du centre-ville pour que, de sa façade, on aperçoive la tour de la Paix.

Au départ, la DTCNR devait n’occuper que trois étages de « l’Annexe Rideau » et le quatrième allait être utilisé pour de l’entreposage. Mais, comme il arrive souvent, les besoins allaient l’emporter sur la planification. Le quatrième étage a donc été rénové pour recevoir le centre des communications, en fonction jour et nuit, peu après que la DTCNR s’est installée dans le bâtiment à l’hiver 1949-1950.

Le personnel qui a travaillé à « la ferme », c’était son nom informel, décrit son voisinage comme plutôt rural. Des vaches broutaient dans le champ adjacent et de temps à autre, des feux d’herbes brûlaient jusqu’aux limites de la propriété. Une navette transportait les employés depuis le centre-ville d’Ottawa le matin et l’y amenait le soir. Le bâtiment était mal ventilé : une fumée de tabac brûlé y flottait constamment l’hiver et la chaleur y était insupportable l’été. On ouvrait les fenêtres pour tenter une ventilation, mais des rafales s’engouffraient à l’intérieur et faisaient virevolter les documents.

L’esprit de collégialité qui caractérisait l’organisme depuis les débuts de la guerre restait bien vivant dans cette demeure aussi. À l’heure du dîner, on jouait au volleyball derrière le bâtiment, au croquet devant, au tennis de table à l’intérieur et, occasionnellement, on faisait voler un disque depuis le dernier étage.

Finalement, la Direction n’est pas demeurée longtemps à l’Annexe. L’architecture vétuste du bâtiment ne pouvait plus abriter cet organisme de plus en plus technique et il n’y avait plus assez d’espace. En 1958, on a commencé à chercher un autre endroit du côté sud de la ville. La DTCNR a déménagé en 1961. Rapidement, l’Annexe Rideau a été démolie et, au milieu des années 60, remplacée par un immeuble à appartements, qui y est toujours.

Les nombreux domiciles du CST — 3e partie : Académie de La Salle

Le présent récit est le troisième d’une série d’articles à caractère historique qui portent sur les nombreux domiciles du CST. Les différents lieux où le CST a logé reflètent l’organisme lui-même : toujours de plus en plus grands, de plus en plus complexes, de plus en plus efficaces et avec ce caractère curieusement unique. Vous n’avez pas lu la première et la deuxième partie? Vous les trouverez ci-dessous.

Le jour suivant la fête du Travail de 1946, l’organisme permanent de cryptologie du Canada commençait ses opérations sous le nom de Direction des télécommunications du Conseil national de recherches (DTCNR). La DTCNR était alors sous la direction de nul autre que le lieutenant-colonel à la retraite Edward Drake, qui avait été le chef de fil de la cryptologie au Canada durant la Seconde Guerre mondiale, qui venait de s’achever.

Les quelques dizaines d’employés qui étaient au travail ce matin de septembre étaient des membres de la Joint Discrimination Unit (JDU), unité militaire, et de la sous-section de l’examen (XU), unité civile, qui avaient été combinées pour créer la toute nouvelle direction civile, la DTCNR.

C’est au complexe de l’Académie de La Salle sur la promenade Sussex au centre-ville d’Ottawa, où la JDU avait déjà élu domicile, que la DTCNR s’est installée. Le premier bâtiment du complexe avait été construit en 1847 en tant que Collège de Bytown. Le bâtiment de style géorgien arborant un toit à pignons et des pierres d’un gris pâle a été agrandi au fil des ans, pour se terminer en 1934 avec une aile remplie de salles de classe qui rejoint la rue Gigue. C’est là que la DTCNR a emménagé. Le propriétaire principal du site est demeuré une école catholique pour garçon tout au long de la résidence de la DTCNR. L’auditorium de l’école, sous l’aile, était utilisé par une troupe de théâtre locale au grand plaisir des employés de la Direction qui ont assisté à plusieurs répétitions; des sommités comme Christopher Plummer et William Shatner y ont d’ailleurs joué.

Le Canada, malgré une lourde dette, était florissant dans les années qui ont suivi la Guerre même si l’austérité était de mise. Les bureaux de la DTCNR étaient exigus et les employés ne pouvaient demander un nouveau crayon que lorsque le précédent était si petit qu’on n’arrivait plus à le tenir. Malgré tout, l’esprit de collégialité était évident. Les vétérans et les membres du personnel civil se sont facilement intégrés. Edward Drake encourageait la pratique d’une variété d’activités sportives, dont le hockey, la balle molle et la danse. C’est aussi à cette période que la ligue de quilles de la DTCNR est née. Active pendant des dizaines d’années, elle a été au cœur du calendrier d’activités sociales de la Direction.

Le personnel a probablement aimé la vie à l’Académie, mais cette demeure n’était pas une option au long cours. Partager un bâtiment avec une école et un théâtre n’était de toute évidence pas le meilleur des arrangements. L’espace n’allait pas soutenir la croissance de la Direction, il était trop petit pour loger de la grosse machinerie et les déchets classifiés devaient être envoyés à des incinérateurs industriels ailleurs à Ottawa. Seul le troisième étage était entièrement réservé à la DTCNR et lorsque cette dernière a réussi à obtenir deux salles supplémentaires au deuxième étage, l’école les a rapidement réclamées. Ainsi, ont commencé des recherches pour une autre demeure; la première que la Direction allait avoir pour elle seule.

L’Académie de La Salle existe toujours aujourd’hui. L’apparence du bâtiment n’a pratiquement pas changé depuis la Guerre. Le bâtiment est devenu un édifice fédéral du patrimoine en 1988.

Les nombreux domiciles du CST — 2e partie : 345, avenue Laurier

Le présent récit est le deuxième d’une série d’articles à caractère historique qui portent sur les nombreux domiciles du CST. Les différents lieux où le CST a logé reflètent l’organisme lui-même : toujours de plus en plus grands, de plus en plus complexes, de plus en plus efficaces et avec ce caractère curieusement unique. Vous n’avez pas lu la première partie? Vous la trouverez ci-dessous.

La sous-section de l’examen (XU), l’organisme prédécesseur du CST, a occupé son deuxième domicile dès mars 1942. Le 345, avenue Laurier Est était une demeure édouardienne surdimensionnée qui avait été construite pour un baron du bois bien en vue à Ottawa. Le quartier qui l’entourait, connu sous le nom de Côte-de-Sable, était paisible avec des rues bordées d’arbres qui le protégeaient du centre-ville animé. Le bâtiment voisin de là où logeait la XU servait de résidence du premier ministre.

La XU a d’abord occupé le 2e étage et à l’étage du dessous travaillait l’unité des Forces armées qui était responsable de l’interception des communications, la Discrimination Unit (DU). L’entrée du bâtiment était gardée nuit et jour par des membres de la Garde territoriale des anciens combattants. Les employés devaient présenter leur carte d’identité pour entrer dans le bâtiment et tous les soirs, on déchiquetait et brûlait toute paperasse devenue inutile. On dissuadait les employés de se joindre à des organismes en dehors du travail. Même la bibliothèque municipale ne leur était pas permise. Le nom réel de la sous-section, la XU, n’était connu qu’en interne; le 345, avenue Laurier était l’annexe du Conseil national de recherches. Les employés portaient des titres comme « technicien de laboratoire » ou « chercheur » afin de déguiser leur travail réel.

Au fur et à mesure que la guerre se déroulait, la XU prenait de l’ampleur. La DU a été forcée de partir et d’obtenir ses propres quartiers en 1943. Deux ans plus tard, Edward Drake, le directeur de la DU, a rapatrié la XU pour former l’organisme qui a véritablement précédé le CST.

L’Ottawa d’aujourd’hui n’est en rien celle qu’a connue la XU. Des décennies après la guerre, les somptueuses demeures de la Côte-de-Sable ont été converties en ambassades, en résidences diplomatiques et en logements pour les étudiants. En 1948, le 345, avenue Laurier a été sous-divisé en appartements pour finalement être remplacé par un immeuble à appartements à la fin des années 60, ce qu’il est toujours.

Les nombreux domiciles du CST — 1re partie : Édifice M2

En 1941, l’organisme prédécesseur du CST de l’époque de la Seconde Guerre mondiale n’était constitué que d’une poignée d’employés qui s’affairaient crayons et papier en main. Rapidement, le cumul de ses succès et l’importance de sa mission ont justifié sa croissance jusqu’à ce qu’elle exige un autre domicile. Les différents lieux où le CST a logé reflètent l’organisme lui-même : toujours de plus en plus grands, de plus en plus complexes, de plus en plus efficaces et avec ce caractère curieusement unique.

Les débuts de l’organisme n’auraient pu être plus modestes : deux pièces empruntées et neuf personnes armées de leur intellect et d’un peu plus… Comme ce fut souvent le cas durant la guerre, l’inventivité et l’innovation faisaient partie de la boîte à outils.

Le Canada avait réalisé quelques programmes fragmentés d’interception des ondes radio depuis les années 20, mais rien ne laissait présager qu’ils se fusionneraient de manière plus concrète au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Au contraire, lorsque le ministère de la Défense nationale s’était penché sur la question en décembre 1940, on avait conclu : « le coût d’un tel organisme au Canada ne peut être justifié en ce moment. »

C’est plutôt le ministère des Affaires extérieures (MEA) qui allait être la force motrice d’une approche encore plus ambitieuse. Mené par le bien connu sous-secrétaire d’État Norman Robertson, le ministère a approuvé la création d’un petit bureau qui allait ouvrir en juin 1941. Ce bureau allait relever du Conseil national de recherches (CNR) du point de vue administratif, mais du MEA du point de vue opérationnel.

La sous-section de l’examen (XU), nommée ainsi délibérément pour lui donner un caractère un peu obscur, s’est donc vue logée aux salles 203 et 204 du deuxième étage de l’édifice M2, où se trouvait également la section de l’aérodynamique du CNR. L’édifice M2 faisait partie d’un nouveau complexe du CNR, situé sur le chemin de Montréal à l’est d’Ottawa. Entouré de buissons et de terres agricoles, cet édifice garantissait espace et sécurité. La structure du tout nouvel édifice avait été construite d’acier et de béton dans un style moderniste européen et couverte de stuc. Elle contrastait grandement avec le style néo-gothique des bâtiments importants du centre-ville.

L’édifice M2 sied toujours sur le chemin de Montréal et fait encore partie du campus du CNR, qui a d’ailleurs beaucoup grandi. Le M2 est principalement utilisé à des fins administratives. Ce secteur de la ville est maintenant considéré comme une proche banlieue d’Ottawa. À environ 1 500 mètres au nord du M2, parmi ces voisins, on compte l’édifice Edward-Drake, où se situe l’administration centrale du CST.

Édifice M2 - Photo par : Archives du CNRC

SAPPHIRE et NOREEN

En 1948, les services de renseignement britanniques confirment que les émissions acoustiques et électromagnétiques provenant des dispositifs de chiffrement (la radiation et les sons que le dispositif produit lorsqu’il est utilisé) peuvent être interceptées durant le déchiffrement et lues en texte en clair. Autrement dit, le renseignement des nations occidentales pourrait être intercepté et lu par nos adversaires.

Les Canadiens employés par la Direction des télécommunications du Centre national de recherches (DTCNR), la prédécesseure du CST, acceptent de relever le défi que ce problème pose et s’y attaquent. À partir de moins de 200 $ de pièces commerciales, nos cryptoingénieurs construisent le SAPPHIRE, une version miniature du ROCKEX, la machine performante de l’heure. Le SAPPHIRE est muni d’un clavier d’entrée de données, d’un lecteur de bande‑clé et d’un écran pourvu de petites ampoules d’où s’affichent des résultats.

Le SAPPHIRE est actionné par une manivelle et traite environ 10 à 12 caractères par minute.

Le Canada partage ce nouveau dispositif avec son partenaire du Royaume‑Uni et ce dernier y appose son sceau d’approbation. Aucune émission. Aucune acoustique compromettante. Aucun souci; nos adversaires ne peuvent pas nous écouter et le rendement du SAPPHIRE surpasse celui des dispositifs contemporains. Il est tout destiné pour un déploiement dans les pays de l’Union soviétique situés derrière le rideau de fer.

Mais, voilà que peu après l’approbation du dispositif canadien par le British Government Security Headquarters, ce dernier améliore la mécanique du SAPPHIRE et développe un dispositif à moteur alimenté par une batterie : le NOREEN.

Bientôt, la distribution et l’utilisation du NOREEN, de construction britannique, sont répandues au Canada de même qu’au Royaume‑Uni et auprès de ses alliés. Le SAPPHIRE, toujours au stade de prototype, est alors oublié.

Des dizaines d’années plus tard, aux côtés de matériel de bureau inutilisé, dans un placard des bureaux du CST à Ottawa, le SAPPHIRE est découvert. Le CST l’a récupéré et restauré et est fier qu’il fasse partie de sa collection, aux côtés de son cousin, le NOREEN.

SAPPHIRE
NOREEN
 
Le SAPPHIRE (à gauche) et le NOREEN (à droite) exposés à l’édifice Edward-Drake dans la collection d’artéfacts historiques du CST.
 

WW Murray

À exactement 5 h 30 le 9 avril 1917, la Force expéditionnaire du Canada attaque la crête de Vimy, un lieu stratégique lourdement fortifié qui est sous le contrôle des Allemands depuis 1914. Grâce à une minutieuse collecte de renseignement et une planification conséquente, les Canadiens mènent une offensive que les autres alliées avaient tentée sans succès, en grande partie grâce au renseignement qui a été utilisé pour la planification militaire.

Le lieutenant William « Jock » Murray, responsable de la section des éclaireurs du 2e bataillon, est un des soldats présents lors de cette offensive. Il utilise l’information tirée des câbles pour aider à suivre les mouvements des troupes ennemis.

Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Murray est rappelé au service et, en 1940, il est responsable du programme de renseignement sans fil de l’armée canadienne. En juin 1941, il participe à une réunion à Ottawa, à l’intérieur de laquelle des hauts fonctionnaires louent les vertus du renseignement électromagnétique (SIGINT). Le 9 juin 1941, cette réunion joue un rôle de catalyseur dans la mise sur pied de la Sous-section de l’examen (XU), le premier bureau civil de renseignement électromagnétique (SIGINT) au Canada.

En 1942, Murray, alors colonel, devient le premier directeur du renseignement militaire au Canada et consacre la majorité du reste de son service à défendre la mise sur pied d’un organisme indépendant de SIGINT canadien. Il a deux extraordinaires partenaires dans cette entreprise : le colonel Edward Drake et le lieutenant Charles H. Little.

En 1945, au moment où la Guerre tire à sa fin, le trio défend l’existence d’un organisme de SIGINT en temps de paix. Murray croit que le Canada a prouvé ses compétences en renseignement électromagnétique et en cryptanalyse au sein des alliés occidentaux et que le Canada devrait être en mesure d’établir ses propres priorités en la matière.

Le 1er septembre 1946, grâce à la lutte acharnée de William Murray dont la valeur accordée au renseignement s’est forgée sous les tirs de la bataille de Vimy près de 40 ans plus tôt, naît la Direction des télécommunications du Conseil national de recherches (DTCNR), qui devient plus tard le CST.

Le Colonel Murray, qui a écrit pour la Presse canadienne après la Première Guerre mondiale, a continué à écrire en tant qu’indépendant à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Il a écrit une chronique hebdomadaire dans le magazine Legion sous le nom de plume « The Orderly Sergeant » et a été l’auteur de livres et de poèmes portant sur ses expériences à la guerre.

Lorsqu’il est décédé en 1956, à seulement 65 ans, il a laissé derrière lui un héritage empreint de courage et d’histoires du temps de la guerre qui sont très accessibles publiquement. Mais ce que les gens ne savent pas, c’est l’étendue de son travail dans le monde classifié et de sa contribution à la création de la DTCNR.

WW Murray

M-209 : Le premier dispositif de chiffrement de la collectivité des cinq

En 1940, au moment où la Seconde Guerre mondiale fait rage partout en Europe, l’ingénieur en mécanique et inventeur Boris Hagelin, originaire de la Suède alors neutre dans ce conflit mondial, voyageait aux États-Unis pour tenter de trouver des acheteurs qui souhaiteraient se procurer sa dernière invention, le C-38, un dispositif de chiffrement tactique.

Le dispositif en question était composé de six roues-clés permettant de mettre la machine en état de fonctionnement. Chacune des roues-clés était munie d’une petite aiguille amovible qui était alignée à une lettre sur la roue. Ces aiguilles pouvaient être positionnées vers la gauche ou vers la droite : vers la gauche, en position inefficace ; vers la droite, en position efficace. Aussi, chaque roue-clé contenait un nombre de lettres différent, et un nombre d’aiguilles correspondant à son nombre de lettres. Ainsi, le C 38 fournissait 101 405 850 combinaisons différentes.

Pour chiffrer un message, les roues-clés devaient être positionnées par l’opérateur en fonction de la clé du jour. Le texte était ensuite tapé, une lettre à la fois, en plaçant un anneau alphabétique à la position désirée, et en tournant ensuite une manivelle pour faire avancer la roue et imprimer la lettre du texte chiffré sur une bandelette de papier. Tout le processus était mécanique et on n’avait pas besoin d’électricité pour l’opérer.

Environ de la grosseur d’une boîte à lunch, d’un poids de seulement six livres, le C-38 était facilement portable et idéal pour les soldats au front. Les forces militaires des États-Unis ont été impressionnées de la machine d’Hagelin et ont signé une entente avec lui pour une utilisation à grande échelle au sein de ses troupes après l’avoir rebaptisée « M-209 ». À la fin de la Seconde Guerre mondiale, plus de 140 000 M-209 avaient été produits aux États-Unis et Hagelin est devenu le premier inventeur de machines cryptographiques à devenir millionnaire.

Le M-209 était encore en service en 1950 lorsque les États-Unis, dans le cadre de la résolution 83 des Nations Unies, sont entrés dans la guerre de Corée. Bien que le M-209 n’était pas assez sûr pour des communications de grande valeur, on estime que les craqueurs de code de la Corée du Nord et de la Chine pouvaient déchiffrer des messages du M-209 en moins de dix heures, ce qui était idéal pour les communications tactiques à court terme entre les unités déployées.

En plus des forces des États-Unis, le United Nations Command (UNC) comprenait seize nations différentes, dont des soldats provenant du Canada, du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.

Les États-Unis ont rendu le M-209 accessible à toutes les forces de l’UNC, et c’est ainsi que ce dernier est devenu le premier dispositif de chiffrement utilisé au front pour des communications sécurisées entre les partenaires de la collectivité des cinq.

Un duo de dispositifs de chiffrement M-209 fait partie de la collection d’objets historiques du CST et est actuellement exposé à l’Édifice Edward-Drake.

Le M-209 de l’exposition d’artéfacts historiques qui se trouve dans l’édifice Edward-Drake.

Evelyn Davis

Le 11 novembre 2007 fut un jour du Souvenir particulièrement glacial au Intrepid Park à Oshawa, Ontario. Le vent des Grands Lacs s’abattait sans répit sur le groupe de civils, de militaires et d’employés des services de renseignement du Canada réunis ce jour-là pour déposer des couronnes de fleurs sur le cénotaphe de l’ancien Camp X.

Après la cérémonie, la petite foule s’est rendue au Whitby Centennial Building pour se réchauffer et savourer de la tarte et du café. La Société historique du Camp X avait organisé une réception à laquelle environ 250 personnes ont participé.

Une humble exposition d’objets historiques avait été organisée pour marquer l’occasion. À côté d’une table couverte de lettres, de photographies et de documents déclassifiés se trouvait, parfaitement repassé, un tout petit uniforme du Service féminin de l’Armée canadienne (CWAC). Cet uniforme appartenait à une dame de 84 ans qui se tenait derrière la table et qui s’adressait aux visiteurs. Evelyn Davis, aussi connue sous le nom de « Jimmy » lors de son passage au Camp X (à cause de sa façon de prononcer son nom de jeune fille Jamieson — Jem-i-sen) avait travaillé à titre de télétypiste pendant la Deuxième Guerre mondiale.

« Cet uniforme n’est plus à ma taille, maintenant », a-t-elle dit.

« Mais il sera toujours à votre image, Evelyn », a répondu un visiteur.

En mars 1943, alors âgée de 20 ans, Evelyn Jamieson s’était jointe au CWAC qui recrutait des femmes pour avoir plus de soldats en service actif. Evelyn possédait déjà des connaissances en matière de radio sans fil et de code Morse avant de se joindre au CWAC. Lors de son enrôlement, elle a indiqué que le radio sans fil était sa spécialisation de prédilection. Puis, un an plus tard, en mars 1944, sa demande a été acceptée.

Evelyn était censée retourner à Orillia après avoir terminé sa formation spécialisée à Kingston, mais ses ordres ont changé soudainement. Le 1er juin 1944, avec deux autres membres du CWAC, elle a été transférée au Centre des communications (HYDRA) du Camp X, un endroit qui, un mois avant son arrivée, était encore un centre de formation de niveau Très secret pour les espions. Des membres du CWAC se trouvaient déjà au Camp X, mais Evelyn et ses deux collègues ont été parmi les premières à travailler sur les communications super secrètes HYDRA, un travail qui exigeait une connaissance du code Morse.

Evelyn, ainsi que de nombreux hommes, femmes, militaires et civils, a travaillé à relayer du trafic brut chiffré en code de groupes de cinq lettres entre Washington, New York, l’Angleterre et Ottawa. Sa famille ne savait pas où elle travaillait, ni ce qu’elle faisait, mais personne ne lui posait de questions. Les gens savaient qu’il était vital de savoir garder un secret pendant la guerre. Ce n’est que plus tard, cette même année, lorsqu’elle a appris qu’elle relayait du trafic brut à Bletchley Park, au Royaume-Uni, qu’Evelyn a compris la véritable portée de son travail à HYDRA et l’importance capitale de savoir garder le secret sur son emploi.

À la fin octobre 1945, quand Evelyn a été libérée de l’armée, elle avait obtenu le grade de sergent avec « spécialisation B » en « clavier » et personne ne savait ce que l’on entendait par cela. Après son service militaire, elle a continué ses activités d’agente civile de communications dans un milieu de travail Très secret, jusqu’à ce qu’elle épouse, en juillet 1946, Lee Davis, qu’elle avait rencontré au Camp X.

Evelyn a ensuite travaillé comme historienne de la guerre, elle donnait des présentations sur ses connaissances de première main et épelait parfois les noms des membres du public en code Morse. Elle a pris sa retraite officielle à l’âge de 89 ans, mais qu’à cela ne tienne, en 2007, à la fin de ce froid jour du Souvenir, Evelyn avait encore de l’énergie à revendre. Alors que la foule se dispersait, quelqu’un lui a tendu un petit ruban de téléimprimeur, lui demandant si elle savait dans quel sens l’insérer dans la machine cryptologique. Elle l’a retourné dans ses mains et a murmuré : « mais c’est un jeu d’enfant », indiquant les trois trous du haut et les quatre trous du bas, puis « Jimmy » a lu à voix haute les lettres désignées par les trous qui avaient été percés 63 ans auparavant.

Evelyn nous a quittés en 2016. Peu avant sa mort, elle a demandé à ce que l’uniforme dans lequel elle a traité des milliers de messages chiffrés soit conservé avec le reste des artéfacts de la Société historique du Camp X, donnés au CST en 2013. Cet uniforme est désormais exposé dans l’espace musée du CST, dans la section consacrée au Camp X.

Cet objet historique fait partie de notre histoire.

L'uniforme d'Evelyn Davis exposé à l'édifice Edward-Drake.

Madame Oliver

Mary Oliver déménage à Ottawa en 1940. Elle a 34 ans, elle est mère de deux jeunes garçons et, récemment divorcée, elle quitte sa maison de Vancouver pour se refaire une vie et entamer une nouvelle carrière à l’autre bout du pays. Durant les deux décennies qui suivent, grâce à son esprit vif et à sa nature sensible, Mary participe à la création d’un élément important du patrimoine de la région de la capitale nationale en devenant une des cofondatrices du Centre de la sécurité des télécommunications.

En septembre 1946, les organismes de cryptologie du Canada du temps de la guerre, la sous-section de l’examen (XU) et l’unité militaire Joint Discrimination Unit (JDU), sont devenus la toute nouvelle Direction des télécommunications du Conseil national de recherches (DTCNR), qui a été renommée Centre de la sécurité des télécommunications (CST) en 1975. Madame Oliver a commencé à travailler pour la XU en 1941 et y est restée tout le temps de la guerre et du fusionnement avec la JDU lors duquel elle a travaillé aux côtés d’Edward Drake, qui allait plus tard devenir le premier directeur de la DTCNR.

Son titre d’adjointe administrative n’a jamais rendu justice à l’étendue de ses responsabilités. Elle a passé des années à acquérir une maturité professionnelle certaine au cœur de la croissance et de l’évolution complexe des organismes de cryptologies et de SIGINT du Canada. Elle a été membre de la délégation canadienne à la conférence SIGINT du Commonwealth à Londres en 1946, à l’intérieur de laquelle le Canada a négocié un partenariat à parts égales et indépendantes en matière de renseignement d’après-guerre avec le Royaume-Uni.

La riche expérience de Mary Oliver en gestion de la logistique, des besoins en recrutement et des exigences organisationnelles s’est avérée précieuse dans la mise en place d’un organisme de renseignement cryptographique. Parmi ses multiples tâches, elle s’est occupée de la gestion et du recrutement du personnel, une responsabilité qui lui tenait particulièrement à cœur.

La XU et la DTCNR offraient, à leurs débuts, une atmosphère beaucoup plus familiale que d’affaires. Mary y a grandement contribué en faisant appel à son côté maternel dans son rôle d’agente de gestion et de recrutement du personnel, surtout auprès des jeunes femmes qui s’engageaient à travailler en SIGINT dans le cadre de l’effort de guerre et d’après-guerre au Canada.

Mary a décrit son travail à la DTCNR et ses relations avec les employés de la manière suivante :

Beaucoup de counselling individuel a été offert dans mon bureau; on a mis de côté les formalisations et de cette manière on a pu régler beaucoup de sources de frictions. J’aimerais trop agrémenter ce document de quelques histoires qui m’ont été racontées dans ce cadre. Tout a été dit. On a autant parlé de politiques de haut niveau que de dents de bébé. (Traduction libre)

Et à propos de son temps à la XU, Mary a écrit ce qui suit :

À mon avis, la période passée au 345 Laurier est inoubliable pour tous ceux qui y ont travaillé. On n’était pas très sévère et les conditions de travail étaient idéales. On avait toutes les commodités d’une maison, une cuisine avec un gril et une glacière, trois salles de bain, des salles bien éclairées et aérées pour travailler et un joli jardin fermé où on pouvait profiter du soleil à midi ou jouer au ballon à l’heure du thé. Le thé dans la cuisine était d’ailleurs une coutume remarquable. Un jour, on nous a indiqué que les journées de travail allaient être raccourcies et que, si on le souhaitait, on pouvait les raccourcir encore plus. On a presque pensé à laisser tomber le thé, mais nous avons décidé que ce serait une erreur. C’était si populaire et important que nous avons considéré qu’il serait malavisé de ne pas poursuivre cette habitude jusqu’à ce que tout le personnel ait été entièrement dispersé. (Traduction libre)

Cette atmosphère, établie et entretenue par Mary Oliver, est restée au sein de l’organisme malgré les décennies, la croissance et les transformations et elle définit toujours la culture du CST d’aujourd’hui.

En 1949, sa longue expérience en administration dans le cadre du SIGINT canadien et de la sécurité des communications (COMSEC) et sa réputation grandissante en tant que membre respectée de la collectivité des cinq ont fait de Mary la candidate idéale, une fois de plus, pour mettre sur pied un nouveau bureau : le Bureau de liaison du renseignement canadien, à Londres. En février de cette année-là, Mary Oliver est nommée agente de liaison au Government Communications Headquarters (GCHQ), à Londres, et devient ainsi le premier agent de liaison à l’étranger de la DTCNR, du CST.

Lorsqu’elle rentre à Ottawa un an plus tard, elle reprend ses grandes responsabilités en tant chef de l’administration, ce qui couvre la gestion du personnel, le recrutement, la rédaction d’ébauche et la mise en œuvre de procédures de sécurité et l’administration organisationnelle. Elle a jeté les bases du cadre de travail administratif de la DTCNR, qui a continué à se développer pendant une dizaine d’années.

En 1963, l’effectif de la DTCNR avait pratiquement doublé. Un peu plus tard cette année-là, Mary Oliver a pris sa retraite et la charge de travail qu’elle avait soutenue à elle seule a été reprise par trois spécialistes.

Au moment de la retraite de Mary, ce qui suit a été publié dans un bulletin des employés :

Depuis son arrivée à la DTCNR il y a 17 ans, madame Oliver, grâce à sa capacité à comprendre la nature humaine et à évaluer les postulants, a façonné et donné corps à l’effectif de la DTCNR et la réputation de la Direction au niveau national et international est le symbole direct du succès de son recrutement et y rend hommage.

Nous avons constaté à la fête organisée pour souligner son départ à la retraite toute la gratitude et la reconnaissance que nous éprouvons à l’égard de madame Oliver par l’ampleur de la foule présente pour célébrer sa notoriété et exprimer combien la DTCNR la porte en son cœur […] Madame Oliver manquera beaucoup à ses amis et collègues qui sont reconnaissants de sa gentillesse et de sa compréhension en plus de ses compétences au sein des services administratifs et du personnel. Bien qu’elle ne sera plus présente à la Direction, les efforts et les succès de ceux et celles qu’elle a sélectionnés feront vivre sa contribution encore longtemps. (Traduction libre)

Comme ses collègues et ceux qui l’ont suivi l’ont reconnu, la contribution de Mary Oliver a été déterminante et d’une grande portée. Elle a eu des effets sur presque tous les éléments des organismes pour lesquels elle a travaillé. Elle a non seulement dédié sa carrière aux tout premiers organismes de SIGINT du Canada, mais elle s’est surtout consacrée aux gens qui les ont forgés.

Bref historique du hockey au CST

Au CST, dès les débuts, les sports ont occupé une place importante. De la ligue de quilles des premières années de l’organisme (Edward Drake, le premier chef du CST, était un passionné de quilles) aux ligues de soccer, de volleyball et de plusieurs autres sports auxquels s’adonnent les employés du CST, il est difficile d’imaginer l’organisme sans ses équipes de toutes sortes. Mais l’organisme national de cryptologie du Canada qu’est le CST a toujours accordé une place toute particulière au hockey.

On a formé des ligues récréatives et joué au hockey improvisé de manière intermittente depuis les années 40, mais les équipes actuelles de l’organisme datent de 1995, lorsque la première équipe de hockey « officielle » a été mise sur pied pour participer à un tournoi organisé par les Forces armées canadiennes pour amasser des fonds.

On avait invité le CST a joué dans le cadre de ce tournoi parce qu’une équipe s’était désistée à la dernière minute. Une semaine avant la mise au jeu, l’organisme a réussi à réunir 9 joueurs et à former une équipe.

Malgré le court préavis, l’équipe de 1995 semble avoir fait bonne impression sur la glace puisqu’elle a été invitée à un tournoi de plus grande envergure l’année suivante aux côtés d’équipes provenant de l’ensemble de la collectivité de la sécurité et du renseignement (S et R). Souhaitant projeter une image professionnelle, puisqu’elle allait jouer contre les équipes des partenaires du CST comme le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), les Forces armées canadiennes (FAC) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC), l’équipe s’est procuré des chandails qui arborent fièrement l’acronyme de l’organisme et a augmenté son nombre de joueurs à 17.

Chandail de hockey du CST

Sa participation au tournoi annuel de la collectivité de la S et R ainsi qu’à plusieurs événements de hockey caritatif dans les années qui ont suivies ont inévitablement mené les employés du CST à avoir envie de jouer de façon régulière. C’est alors qu’en 2002, la première ligue récréative, la Everyman’s Hockey League (EHL), a été formée. Et, en dépit de son nom qui offre un caractère plutôt masculin, des femmes autant que des hommes y ont joué dès sa fondation. Au début, la majorité des joueurs ne possédait pas d’équipement et il était courant de voir sur la glace des joueurs avec des casques de vélo, des gants de jardinage et de la styromousse attachée avec du ruban de hockey en guise de jambières de gardien. Un des gardiens de but de la EHL faisait aussi partie de la chorale du CST et chantait donc l’hymne national avant certaines parties. À plus d’une reprise, la ligue a pu jouer au Centre Corel (aujourd’hui le Centre Canadian Tire), la patinoire locale des Sénateurs d’Ottawa qui font partie de la Ligue nationale de hockey (LNH).

La EHL est non seulement populaire parmi les employés du CST, mais aussi au sein de la collectivité des cinq. Souvent des collègues de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis en visite au CST demandent de se joindre à l’équipe pour faire quelque chose de « typiquement canadien » lors de leur passage à Ottawa.

Tout récemment, en 2019, le CST s’est associé à la Station des Forces canadiennes (SFC) Leitrim et au Groupe des opérations d’information des Forces canadiennes (GOIFC) pour une partie spéciale dans le cadre de la Campagne annuelle de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada, poursuivant son partenariat avec les FAC pour des parties caritatives. Le CST et la SFC Leitrim travaillent ensemble depuis la Seconde Guerre mondiale, mais c’était la première fois qu’ils se confrontaient sur la glace.

Depuis sa fondation, la ligue récréative EHL a continué de croître en popularité au CST. Aujourd’hui, en 2021, l’organisme compte trois ligues de hockey et chacune d’elle joue toutes les semaines. Le CST continue de participer au tournoi annuel avec ses partenaires de la collectivité de la S et R et souvent deux, parfois même trois, de ses ligues y jouent.

De temps en temps, on a aussi rapporté le trophée à la maison!

Une affiche promouvant un match de hockey entre le CST et la SFC Leitrim en 2019

Un drapeau canadien pour le DTCNR

Jusqu’en 1965, le drapeau qui flottait au vent pour représenter le Canada était connu sous le nom de « l’emblème rouge ». On y trouvait, dans le coin supérieur gauche, sur un fond rouge, une représentation du drapeau de l’Union royale (Union Jack), et dans le coin inférieur droit, les armoiries canadiennes. Après des années de débats officieux entourant l’idée d’un drapeau canadien, le premier ministre Lester B. Pearson a officiellement présenté l’idée aux membres du Parlement en 1964. Certains ont demandé que l’Union royale demeure à l’honneur et d’autres ont milité pour un drapeau unique et entièrement canadien. Pour résoudre la question, le premier ministre Pearson a créé un comité multipartite. Il lui a donné six semaines pour décider d’un concept final à partir des quelque 5 000 soumissions qui avaient été recueillies dans l’ensemble du Canada.

Le 22 octobre 1964, c’est un concept intitulé le « Drapeau Stanley », surnommé d’après son concepteur, Georges Stanley, pour lequel le comité a voté unanimement. Le concept en question a été ensuite présenté aux membres du Parlement, qui l’ont approuvé, et a reçu la proclamation royale de la Reine en janvier 1965.

Le 15 février 1965, le drapeau canadien flottait pour la première fois au-dessous de la Colline du Parlement.

Le même jour, la Direction des télécommunications du Conseil national de recherches (DTCNR – c’est ainsi qu’on appelait le CST à cette époque) emboîtait le pas avec sa propre cérémonie du lever du drapeau.

Les employés se sont rassemblés à l’extérieur pour témoigner de cet événement historique. Edward Drake, le premier directeur de la DTCNR, a abaissé l’emblème rouge pour la dernière fois. Ce drapeau occupait une place importante pour plusieurs des employés de la DTCNR, dont certains avaient servi sous son emblème durant la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, c’était un moment de fête puisque le tout nouveau drapeau du Canada était levé et déployé pour la première fois devant l’organisme national de cryptologie du Canada.

Photo d’Edward Drake levant le drapeau à la DTCNR

La création d’un drapeau canadien, comme la création d’un organisme de renseignement indépendant, la DTCNR, a marqué un tournant important dans l’histoire du Canada.

Dans une publication interne de l’époque, un employé de la DTCNR a écrit que la naissance de notre propre drapeau représente la phase initiale d’une solution qui permettra au Canada de démontrer sa maturité. À part la contribution du Canada à la Première et à la Seconde Guerre mondiale, la création de notre propre drapeau représente le début d’une nouvelle ère et nous devons en être fiers et poursuivre vigoureusement notre indépendance complète ainsi que notre unification en tant que nation.

Aujourd’hui, le drapeau du Canada continue de flotter fièrement devant l’édifice Edward-Drake à Ottawa. La famille d’Edward Drake a conservé l’emblème rouge que ce dernier a décroché de son mât en 1965 et l’a donné au CST. Cet emblème est conservé dans la collection d’artéfacts historiques de l’organisme.

Photo de l’emblème rouge prise dans notre musée

S’appuyer sur une tradition d’innovation : le programme de capteur au niveau de l’hôte

En 2010, les réseaux du gouvernement du Canada (GC) ont été ciblés par des activités de cybermenace à un niveau sans précédent; le cyberenvironnement devenait de plus en plus hostile. De toute évidence, le GC avait besoin d’une nouvelle capacité de protection contre les cybermenaces sophistiquées.C’est alors que le CST a pris l’initiative d’aider à améliorer la cybersécurité de plus de 110 ministères et organismes du GC.

Une défense nouvelle et efficace était non seulement nécessaire au niveau du périmètre du GC, mais aussi au niveau de ses réseaux eux-mêmes.  Le GC avait besoin d’un système de cyberdéfense avec une capacité de réponse rapide et automatique aux activités malveillantes et de neutralisation de celles-ci au fur et à mesure qu’elles survenaient.  Aussi, comme si ça ne suffisait pas, cette nouvelle défense devait protéger efficacement jusqu’à un million de dispositifs informatiques (ordinateurs de bureau, portable, serveurs) sans ralentir le réseau.

Le CST faisait face à tout un défi, mais dès le départ il était évident que c’était une occasion non seulement d’aider à protéger les réseaux du gouvernement, mais aussi de contribuer à la cybersécurité de tous les Canadiens.

Comme aucun produit commercial ne satisfaisait à ces exigences, le CST a décidé de faire ce qu’il a toujours fait : innover et développer un nouveau produit pour relever le défi.  La division des services de TI du CST, le Centre canadien pour la cybersécurité d’aujourd’hui (Centre pour la cybersécurité), avait l’expertise et la détermination pour accomplir ce travail.  Le développement de ce qui allait devenir le programme de capteur au niveau de l’hôte du CST a commencé en novembre 2010.

Ce programme a d’abord été mené par une équipe de six employés du CST qui travaillaient avec des ordinateurs qu’ils avaient construits eux-mêmes, dans un espace qui avait été jusqu’à ce moment un local de rangement.  Heureusement, on fait parfois beaucoup avec peu.  Maintenant 11 ans plus tard, le programme de capteur au niveau de l’hôte a été déployé dans l’ensemble du réseau du GC et il y joue un rôle majeur en matière de protection contre les cybermenaces. 

En 2017, grâce à la participation du National Cyber Security Centre (NCSC) du Royaume-Uni, le programme de capteur au niveau de l’hôte est passé à l’international. Le NCSC a fait des essais sur le réseau de TI du gouvernement du Royaume-Uni avec les capteurs au niveau de l’hôte du CST. Les essais se sont avérés être un succès et le programme se développe maintenant sous le nom de capacité au niveau de l’hôte.  En partageant les capteurs au niveau de l’hôte, le Canada et ses partenaires peuvent se prévenir les uns les autres à partir de leurs observations d’activités malveillantes dès qu’elles se manifestent, évitant ainsi d’être victimes d’un même logiciel malveillant qui pourrait avoir des effets dans d’autres parties du monde.

Récemment, le CST a d’ailleurs commencé à utiliser des connaissances découlant des données partagées pour renseigner le Bouclier canadien, géré par l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet (ACEI), afin que tous les Canadiens puissent tirer parti de l’expérience du Centre pour la cybersécurité.

Tout au long des 75 dernières années, le CST a maintenu une tradition d’innovation qui a permis de relever les défis auxquels il a fait face, malgré les changements de technologies et de savoir-faire qui l’ont porté depuis les débuts de la Guerre froide jusqu’aux défis du cyberespace d’aujourd’hui.  Le programme de capteur au niveau de l’hôte n’est qu’un des nombreux exemples résultant de cette tradition d’innovation dont le CST est fier et qui lui a permis de remplir sa mission.

La première initiative verte du CST

Entre 1941 et 1945, la Sous-section de l’examen (XU) est le premier organisme civil de renseignement électromagnétique (SIGINT) du Canada à se concentrer sur le déchiffrement du trafic provenant du gouvernement de Vichy, alors dans une France occupée, ainsi que sur d’autres communications militaires et diplomatiques.

Mary Oliver, connue comme la « secrétaire de la Sous-section », occupe le poste d’adjointe exécutive du directeur et, dans son rôle, est de bien des manières responsable de l’administration de tout l’organisme. Elle s’occupe de tous les aspects du fonctionnement des lieux, dont le recrutement, la formation et les opérations. Comme madame Olivier est une employée ingénieuse, on l’interpelle souvent pour trouver des solutions à des problèmes inhabituels.

Mary Oliver

Un de ceux-ci survient vers 1943, lorsque le directeur de la XU, F.A. Kendrick (un décrypteur prêté par Bletchley Park) s’informe auprès de Washington de la possibilité de faire l’acquisition de matériel qui pourrait être utile pour l’équipe de la XU qui s’occupe du déchiffrement des communications militaires japonaises. Étant donné qu’il est habituel à ce moment que ce type de demandes ne se réalisent qu’après plusieurs mois, madame Oliver est surprise qu’en quelques jours un avis soit envoyé à l’administration centrale de la XU sur l’avenue Laurier à Ottawa pour indiquer qu’une livraison expresse de la part de la Signal Security Agency des États-Unis attend, sous garde armée, à la station de train : cinq tonnes de cartes perforées de IBM.

« On m’a confié l’horrible tâche de trouver une place pour toutes les mettre, se rappelle madame Oliver. Le ministère des Travaux publics ne pouvait m’offrir assistance, le directeur du renseignement militaire n’était pas vraiment intéressé [...] J’ai entrepris de mesurer les entretoises et les croisillons du bâtiment pour vérifier s’ils pourraient supporter les boîtes de cartes. Étant donné que les cartes pourraient gondoler si elles n’étaient pas entreposées dans un endroit sec, il était nécessaire de leur trouver une place où elles ne se détérioreraient pas. Finalement, après avoir pris de nombreuses mesures, un ingénieur du ministère des Travaux publics a convenu que le matériel pouvait être entreposé au 3e étage et dans l’attique du 4e étage. »

Un soir, après que tout le personnel est rentré à la maison, monsieur Kendrick s’est rendu à la station Union et a accepté la livraison. Il a fallu trois heures pour la ranger, avec l’aide de la garde des anciens combattants qui avait été désignée pour s’acquitter de la corvée.

En dépit des efforts considérables qui ont été déployés pour livrer et entreposer les cartes perforées de IBM, elles se sont avérées n’être que très peu utilisées. Selon madame Oliver :

« Les cartes sont restées là-haut pendant deux bonnes années et je pense que seulement une demi-douzaine d’entre elles ont été utilisées. »

À la fin de la guerre, lorsque monsieur Kendrick se préparait à retourner au Royaume-Uni, il a senti le besoin de gérer « l’éléphant blanc » caché dans l’attique de la XU. C’est alors que la première initiative verte de l’organisme de SIGINT du Canada a été entreprise : Mary Oliver a décidé que plutôt que de détruire ces cartes, on les enverrait à la «  Booth’s Paper Company » pour être transformées en pâte à papier.

« Ainsi, on a réservé un sort utile à ces cinq tonnes de cartes IBM en les transformant, entre autres, en boîtes pour gâteaux et en cartons de crème glacée. »

Des cartes perforées de IBM

Edward Drake

Considéré par plusieurs comme un pionner de la cryptologie au Canada, Edward Michael Drake, entre 1940 et 1971, a été l’architecte du service de renseignement électromagnétique (SIGINT) de l’armée canadienne durant la Seconde Guerre mondiale et de la fondation du service civil de SIGINT du Canada après cette guerre. Il a été le premier directeur du premier organisme de SIGINT national intégré au Canada, la Joint Discrimination Unit (JDU), qui combinait le renseignement sans fil et le décryptage en une seule installation et qui a été le moteur de la création de l’organe de décryptage du Canada en période de guerre, la sous-section de l’examen (XU).

Bien que le service de SIGINT de Drake a abondamment couvert les opérations de l’armée allemande durant la première partie de la guerre, à partir de 1942, il s’est concentré sur le soutien des États-Unis et de la Grande-Bretagne en leur fournissant le SIGINT nécessaire aux opérations des alliés contre l’Empire japonais. Ed Travis, à la tête de Bletchley Park au Royaume-Uni, a décrit le travail de l’unité de Drake sur le trafic militaire japonais comme un de très haut niveau en comparaison à ce que d’autres sources offraient à ce moment.

En reconnaissance de son apport inestimable au SIGINT des alliés et à la cryptographie durant la Seconde Guerre mondiale, Edward Drake a reçu la Légion du mérite des États-Unis (officier) le 18 juillet 1946. Cet honneur était accompagné d’une lettre du président Truman (traduction libre) :

« Le lieutenant-colonel Edward M. Drake, état-major général de l’armée canadienne, a rendu un service exceptionnellement méritoire à son pays et aux États-Unis entre janvier 1943 et août 1945. L’esprit exemplaire de coopération internationale du colonel Drake dans un domaine extrêmement technique et spécialisé est une contribution exceptionnellement méritoire à la poursuite fructueuse de la guerre. »

Sa Majesté Royale le roi Georges VI a octroyé une dérogation spéciale au colonel Drake pour que ce dernier puisse porter la médaille qu’il a reçue des États-Unis sur son uniforme canadien.

Les dirigeants du SIGINT des alliés font souvent référence au travail du lieutenant-colonel Drake et à la JDU qu’il a dirigée lorsqu’ils parlent de la contribution importante du Canada à la Seconde Guerre mondiale. Ces réalisations extraordinaires ont soutenu de manière prépondérante le développement continu du SIGINT canadien en temps de paix.

Grâce à celles-ci, et sans conteste à sa personnalité, Edward Drake a obtenu le soutien nécessaire à la création de l’organisme indépendant de cryptologie du Canada. À la fin de la guerre, il a été mandaté par le gouvernement du premier ministre Mackenzie King pour établir et diriger le premier organisme permanent de cryptologie du Canada, la Direction des télécommunications du Conseil national de recherches du Canada (DTCNR), qui a été plus tard renommée le Centre de la sécurité des télécommunications (CST).

Ce qui a rendu Edward Drake unique dans le monde du renseignement électromagnétique et de la sécurité des communications est sa vision; une perspective mondiale qui allait au-delà de la crise du moment et voire de sa propre vie. Même dans les débuts de la coopération des alliés en matière de renseignement électromagnétique et de cryptologie durant la Seconde Guerre mondiale, Drake a eu la clairvoyance de reconnaître le partenariat international remarquable que la collectivité des cinq allait développer. Il a dédié sa vie à cet important partenariat et a assuré la place du Canada au sein de ce dernier en tant que membre indépendant et à égalité de parts. En 2019, Edward Drake est devenu le premier Canadien à être intronisé au temple de la renommée de la National Security Agency (NSA) des États-Unis.

Edward Drake a été un leader exceptionnel. Poussé par son esprit analytique et son inébranlable détermination à faire ce qui est juste, Drake a gagné la confiance de ses supérieurs, le respect de ses collègues en plus de la loyauté et de l’affection de ceux qui ont travaillé sous sa gouverne.

Lorsque Edward Drake s’est éteint au milieu de la journée du 8 février 1971, il a laissé un héritage durable à la collectivité du renseignement du Canada et aux alliés de ce pays. C’est grâce à cet héritage que le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) d’aujourd’hui a été fondé et qu’il continue de réaliser sa mission au quotidien.

Photo
Edward Drake

Robert S. McLaren, premier officier de liaison du CST

Au début de la Seconde Guerre mondiale, les Forces armées canadiennes interceptaient déjà des signaux cryptés bruts provenant du trafic de communications d’armées et de missions étrangères ennemies. Le SIGINT intercepté par les Forces canadiennes servait principalement à localiser l’ennemi en fonction de métadonnées envoyées par la suite aux services de renseignement du Royaume-Uni et des États-Unis.

Lorsque la France a été envahie par les nazis, le Canada s’est vu encouragé par les Alliés à mettre sur pied un bureau civil responsable d’intercepter et de décrypter les signaux contenant des communications provenant du gouvernement de Vichy ainsi que d’autres communications militaires et diplomatiques. Il arrivait parfois, en fonction du type de communications interceptées, que ce soit le personnel militaire qui en analyse le contenu, mais la plupart du temps, c’était le personnel civil de la Sous-section de l’examen (XU) qui déchiffrait le contenu et qui diffusait le renseignement au ministère canadien des Affaires étrangères et aux Alliés.

Robert S. McLaren, que ses collègues appelaient affectueusement « Mac », a acquis une grande notoriété en cryptographie au Canada en tant que membre de la XU. Son travail consistait en déchiffrer des communications interceptées dans des endroits comme la Station Forces Canadiens Leitrim, qui étaient ensuite fournies aux autorités canadiennes et américaines.

En tant que cryptanalyste, McLaren a beaucoup travaillé avec ses homologues américains durant la guerre, et c’est dans ce rôle qu’il a rencontré William Friedman, un des pères fondateurs de la NSA, et qu’il est devenu son ami.

En février 1950, après l’établissement de l’entente CANUSA permettant l’échange de renseignement électromagnétique entre le Canada et les États-Unis après la guerre, McLaren est devenu le tout premier agent supérieur de liaison de la Direction des télécommunications à Washington (CBSLO pour Communication Branch Special Liaison Office). McLaren a occupé ce poste jusqu’en août 1951.

Les quatre manuels portant sur la cryptanalyse militaire du ministère de la guerre des États-Unis (US War Department)

Durant son passage au CBSLO, McLaren a tellement impressionné ses homologues américains que William Friedman, considéré par une fondateur de la cryptographie américaine, lui a offert un coffret de quatre manuels portant sur la cryptanalyse militaire du ministère de la guerre des États-Unis (US War Department), manuels que Friedman lui-même avait écrits en 1938. Friedman a écrit une note personnelle dans chacun des volumes du coffret, dont celle-ci :

« À mon ami et associé Robert S. McLaren, avec la confiance qu’il n’y apprendra rien qu’il ne sait pas déjà! »

« À mon ami et associé Robert S. McLaren, avec la confiance qu’il n’y apprendra rien qu’il ne sait pas déjà! »

ROCKEX – La gardienne des secrets

Nous sommes en 1946. La Seconde Guerre mondiale est finie, mais la Guerre froide ne fait que commencer. La capacité de maintenir un système sûr de transmission de renseignements hautement classifiés est plus importante que jamais.

La solution s’appelle HYDRA, une station de retransmission haut de gamme de conception canadienne construite et grandement déployée durant la guerre. Bien que HYDRA ait été conçue au Canada, le contrôle opérationnel de ce système reste aux mains des Britanniques.

La collaboration est donc la clé du succès du renseignement électromagnétique canadien. En témoigne une note de service écrite à Norman Roberston, sous-secrétaire d’État aux Affaires extérieures, indiquant que la prise de contrôle de HYDRA par le Canada contribuerait considérablement à l’effort du Commonwealth et des États-Unis en matière de renseignement électromagnétique en période d’après-guerre.

Le centre névralgique de HYDRA est la machine cryptographique Rockex, conçue par Benjamin de Forest Bayly, un ingénieur électricien de Moose Jaw, en Saskatchewan.

Benjamin de Forest Bayly

La Rockex marque une étape importante dans l’évolution de la cryptographie. Les machines cryptographiques des générations précédentes, comme ENIGMA, la machine allemande bien connue, utilisaient des rotors pour chiffrer les messages mécaniquement. Ces machines à rotors peuvent générer des codes fort complexes, mais des cryptographes hautement compétents ont prouvé, encore une fois avec ENIGMA, que ces codes peuvent être déchiffrés.

La Rockex utilise plutôt un téléimprimeur pour mélanger deux ensembles de données. Inspirée du chiffrement de Vernam (une technique de chiffrement téléimprimé à l’aide d’une clé à usage unique), la Rockex utilise une paire de clés de chiffrement, une pour l’expéditeur afin de chiffrer le message et une autre pour le destinataire pour déchiffrer le message. La paire de clés est évidemment utilisée une seule fois et sans les clés, il est impossible de lire les messages de la Rockex. Voilà la solution! Une machine de chiffrement hors ligne, impénétrable, qui chiffre et déchiffre un message en temps réel, à la vitesse de saisie du texte par l’opérateur.

Exemple d’un cryptogramme à usage unique de la Rockex

Lorsque Bayly a conçu et construit sa machine cryptographique, il a misé sur la longévité; la Rockex a protégé la sécurité des communications bien au-delà de la période de l’après-guerre. Le Royaume-Uni et le Canada ont choisi la Rockex pour les communications diplomatiques TRÈS SECRET. À partir des années 1950, les membres de l’OTAN l’ont également utilisée pour leurs communications les plus sensibles.

L’historien John Ferries de l’Université de Calgary a écrit que le succès des efforts de Bayly était tel que les dérivés de la Rockex étaient encore en fonction dans les ambassades du Royaume-Uni dans les années 1970.

La dernière Rockex a été officiellement mise hors service en 1983, clôturant 40 ans d’incroyables services au Canada et un peu partout dans le monde.

Ce dispositif cryptographique Rockex fait partie de la collection d'objets historiques du CST et est exposé à l'édifice Edward-Drake à Ottawa, ON

L’insigne du CST (Deuxième partie)

Le 1er mai 1991, Stewart Woolner, le chef du CST a annoncé dans une note de service destinée à tous les employés que le CST souhaitait entamer la création d’un logo ou d’un insigne qui lui serait unique et qui apparaîtrait sur des enveloppes, des épinglettes, des publications et des documents utilisés en interne, ou sur des avis publics, comme les publicités relatives au recrutement et le matériel de conférence. Tous les employés ont été invités à soumettre des suggestions de design qui refléteraient la mission unique du CST. On allait ensuite demander à l’unité de Graphisme et de photographie (aujourd’hui appelée Services de création) du groupe T de préparer une représentation professionnelle des suggestions les plus prometteuses.

Plusieurs employés se sont sentis à la hauteur et ont soumis des idées. L’une d’elles représentait une feuille d’érable, un éclair et une clé. L’image de la clé avait été calquée sur une vieille clé qui a appartenu à la grand-mère de l’employé qui a présenté le design.

Deux des dessins initiaux de l'insigne du CST.

Bien que beaucoup d’enthousiasme se dégageait de ce défi, il a été décidé qu’on allait s’adresser à la toute nouvelle Autorité héraldique du Canada et à Robert Watt, le Hérault d’armes du pays, pour obtenir leur expertise en matière de design d’insigne. Selon le chef Woolner, le CST a entretenu des discussions avec le Hérault d’armes du Canada avant qu’une décision soit finalement prise en regard d’un design.

La toute première proposition comprenait une grande partie de ce que nous trouvons à l’insigne d’aujourd’hui : un cercle bleu qui représente le monde de l’information, un besant doré arborant une feuille d’érable en guise de symbole du Canada, une paire d’éclairs pour représenter les communications, et une clé qui fait allusion à la nature sensible et protégée de l’information traitée par le CST, le tout chapeauté de la couronne, conformément à l’approbation de la reine.

La signature de la reine apposée sur cette image atteste officiellement l’approbation de l’utilisation de la couronne royale dans le design de l’insigne du CST.

Ce design arborait toutefois une grosse feuille d’érable en arrière-plan et de petits billets dorés rectangulaires parsemaient son champ bleu. Ces rectangles devaient représenter des fragments d’information et symboliser la complexité du monde de l’information. On trouvait également au design l’inscription « UT ORATIO SIT LIBERA ET NUNTIUS SECURUS », qui pourrait se traduire librement comme « de manière à ce que l’expression soit libre et l’information protégée ». Ce premier design a été proposé par l’Hérault d’armes Robert Watt et dessiné par l’artiste David Farrar. Il a été présenté officiellement au chef Woolner par l’Hérault d’armes le 24 septembre 1993.

Le design a ensuite été révisé pour qu’on y enlève finalement la feuille d’érable en arrière-plan et les rectangles dorés. On a également changé l’expression latine pour la suivante « NUNTIUM COMPARAT ET CUSTODIT» qui signifie « fournir et protéger l’information ».

Le 19 octobre 1994, lors d’une assemblée de tous les employés du CST au Centre d’études fédérales sur le chemin Heron, le Hérault d’armes du Canada, au nom de Sa Majesté la reine Elizabeth II, a présenté au chef Woolner les lettres patentes attestant l’insigne du CST. Lorsqu’on a questionné monsieur Woolner sur le sujet en septembre 2019, il a dit que cette cérémonie a été unique, impressionnante et touchante et qu’elle a procuré un sentiment de fierté et d’accomplissement aux employés du CST.

Lors d’une cérémonie officielle à l’extérieur de l’édifice Sir-Leonard-Tilley, le chef du CST, monsieur Stew Woolner, en compagnie de commissionnaires, hisse le premier drapeau arborant l’insigne du CST 6 juin 1996

Presque deux ans après la cérémonie, le 6 juin 1996, dans le cadre des célébrations du 50e anniversaire du CST, une cérémonie officielle s’est tenue à l’extérieur de l’édifice Sir-Leonard-Tilley (l’ancienne administration centrale du CST sur le chemin Heron). Le drapeau arborant le nouvel insigne du CST y a été hissé pour la première fois sous le drapeau canadien. Monsieur Woolner a dit avoir encore des frissons lorsqu’il voit le drapeau du CST flotter fièrement, représentant notre organisme et des milliers d’hommes et de femmes qui ont travaillé à la DTCNR ou au CST et qui ont largement contribué au bien-être de notre pays.

Stew Woolner, dans une entrevue de 2019, a indiqué qu’il a encore des frissons lorsqu’il voit notre drapeau place en évidence et flotter fièrement.

L’insigne du CST (Première partie)

Le titre d’un communiqué de presse du gouvernement du Canada publié le 30 mai 1988 indiquait que la Reine affirmait l’importance des symboles canadiens. Dans cette publication, le premier ministre, Brian Mulroney, et son secrétaire d’État, Lucien Bouchard, annonçaient que, le 4 juin de cette année-là, Son Altesse Royale le prince Edward allait présenter à la gouverneure générale Jeanne Sauvé des lettres patentes confirment la création d'un bureau c

anadien à qui accorder des armoiries et permettre une promotion générale de l’utilisation des symboles canadiens.

En d’autres mots, le Canada allait obtenir un Héraut d’armes et devenir la première nation du Commonwealth à laquelle la Reine allait donner le pouvoir d’autoriser des armoiries officielles. Les employés du CST ont rapidement noté ce changement ; il y avait déjà près de dix ans que l’organisme déployait des efforts pour obtenir un insigne propre à l’organisme.

Un échange de notes datant de 1981 entre le directeur du groupe U (SIGINT), Ron Ireland, et le directeur général de l’administration, Paul Gratton, démontre que le CST manifestait l’intérêt de créer son propre insigne. Monsieur Ireland avait étudié la possibilité d’adopter un insigne pour le CST et en avait discuté avec des fonctionnaires du Programme fédéral de l’image de marque (PFIM) du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). À l’époque, monsieur Ireland a conclu qu’il était peu probable que le SCT fasse exception au PFIM pour permettre au CST d’arborer son propre insigne. Plus tard, le SCT a soutenu que cet effort pourrait se révéler incohérent, sinon contre-productif, au respect de l’objectif général du CST de se montrer discret au sein du gouvernement fédéral.

Une correspondance de 1990 entre Shane Roberts, un cadre supérieur du CST, et un haut responsable des politiques au SCT à propos de la possibilité de créer un insigne pour le CST et de faire exception au PFIM indique toujours de la résistance à l’égard de cette idée. Le SCT a fait remarquer qu’il ne pouvait accorder d’exemption à son PFIM sans qu’une lettre de soutien du ministère de la Défense ne soit présentée directement au Conseil du Trésor (au niveau du comité du Cabinet). Plus encore, le SCT a indiqué qu’il n’aimerait pas recevoir une telle lettre étant donné qu’elle pourrait soulever des questions sur ce que le CST est et fait et que cela justifierait une telle exception.

La porte n’était pourtant pas complètement fermée. D’autres discussions avec le SCT au cours des années qui ont suivi, y compris des interventions du chef Stewart Woolner, ont mené à un compromis. Un message en interne écrit par Shane Roberts, daté du 6 septembre 1990, indique que la position du SCT était que le CST pourrait être autorisé à utiliser un symbole particulier sur des enveloppes, dans des campagnes de promotion ou sur du matériel de conférence et d’autres médias semblables, MAIS qu’il ne pourrait pas l’utiliser dans un en-tête. Monsieur Roberts a ajouté que la frontière était mince, mais que les gourous du SCT offriraient de l’orientation sur cette distinction.

Cette saga n’était pas encore terminée, mais après plusieurs années d’efforts, la voie était enfin libre et le CST pouvait obtenir son insigne.


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